Poussière de rêve
Par Grégoire Prangé
17 : 11 : 34
17 : 11 : 35
17 : 11 : 36
17 : 11 : 37
17 : 11 : 38
Les secondes s’écoulent en cascade de rêves, poussières d’image échouées sur le rivage.
Que reste-t-il de nos rêves, au matin levé ? Une vague idée, parfois. Quelques images, une impression.
Fantasmes inavoués, ou peurs refoulées. Bien souvent rien, de conscient tout du moins.
Où sont-elles parties les images ?
Où repose-t-elle, la poussière de nos rêves consumés ?
À la manière des poètes et artistes surréalistes – pensons à Breton, Leiris, Artaud, Aragon, Eluard et tous les autres – Gérald Foltête prend note de ses rêves. À la manière des surréalistes, il n’y cherche nulle interprétation. Il retranscrit. Recueille la poussière au creux de sa main. Avant qu’elle ne s’évanouisse.
Retranscrire. Voilà un mot qu’il connaît bien, lui qui patiemment, sur des toiles monumentales, a durant nombre d’années recopié les ouvrages qui peuplent son quotidien. Une lettre après l’autre. C’est une façon de s’approprier le texte, de l’incorporer finalement – lui donner corps.
Mais ici, ce sont ses propres rêves qu’il inscrit sur le papier. Ses rêves, qui prennent forme et nous sont donnés à voir. Ils s’étendent là, morcelés – le rêve n’est pas narration linéaire – et collés par fragments sur des lignes de notes fantasmées, partitions automatiques pourrions-nous dire ? La chose est tentante.
Au travers du papier japon, le rêve qui s’écrit laisse des traces, que Gérald Foltête recueille et dont il tire une autre série : poussières de rêves. Sur cette poussière, il vient égrainer le temps, comme s’il venait documenter la trace, lui donner un contexte – à la manière d’un archéologue.
Qu’est-ce que le temps du rêve ? Cette question, Gérald Foltête l’aborde dans Aurores et crépuscules. Le temps s’y écoule sans être une durée – ou du moins sans durer dans le temps. Fragmentaire. C’est cela le temps du rêve. Un ensemble de fragments assemblés, de secondes disjointes mises bout à bout, d’histoires morcelées qui semblent rapprochées par le hasard… ou bien serait-ce autre chose ?
Au cœur de cette exposition, Gérald Foltête met sa pratique artistique de la retranscription – une manière d’interroger le temps et la corporalité du langage – au service d’une quête, à la recherche de nos poussières de rêves, et de nos libertés oubliées.